Le concept de foi

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Le concept de foi

Messagepar Adam le 06 Jui 2007, 19:07

Ce petit message ... à l'égard de ceux qui pensent que le concept luthérien de justification par la foi seule disqualifie l'action humaine. Il prolonge Réforme & Sola Fide.

*

On pourrait se dire "s'il n'y a que la foi seule pour nous justifier aux yeux de Dieu, alors agir ne sert à rien : je vais croiser les bras, avoir la foi et attendre d'être sauvé" ...


Ière lecture - La foi comme activité volontaire

... Mais dès les premières thèses des quatre-vingt-quinze (thèses), Luther nous exhorte à la haine de soi (qui est la vraie pénitence intérieure), aux mortifications de la chair (qui pourraient faire figure de "pénitence extérieure"). Il nous exhorte ensuite à accepter d'être sauvé par Dieu tout en sachant que c'est incompréhensible puisqu'on est inacceptable (c'est le mystère de la foi). A quoi bon se haïr, à quoi bon mortifier sa chair, à quoi bon ces actions si elles ne sont pas la foi elle-même, puisque si elles ne sont pas la foi, elles ne servent à rien ? (question rhétorique)

Sur la nature de la foi, Tillich nous éclaire quand il offre une re-formulation du concept luthérien de justification par la foi seule : "la foi, c'est accepter d'être accepté en dépit du fait que l'on soit inacceptable". En somme, qu'est-ce que la foi luthérienne ? C'est une action ou un ensemble d'action : la haine de soi, la mortification, l'acceptation paradoxale de soi.

Bref, la foi luthérienne n'est pas une chose passive comme une espérance délavée, une attente "les bras croisés" ou encore une acceptation passive. Il s'agit d'une acceptation active et de violences envers les parties pécheresses de soi-même. La foi luthérienne ne disqualifie pas toutes les actions humaines, dans la mesure ou elle est elle-même active (constituée d'actions).


A mon sens, cette lecture de Luther est aussi libre que l'action (volontaire) qu'elle a pour objet.


IIème lecture - La foi comme activité serf

Revenons aux thèses de la haine soi comme vraie pénitence intérieure et à celle de la mortification de la chair :
Luther, in Les quatre-vingt-quinze thèses a écrit:1- En disant : Faites pénitence, notre Maître et Seigneur Jésus-Christ a voulu que la vie entière des fidèles fût une pénitence.

3- Toutefois elle ne signifie pas non plus la seule pénitence intérieure ; celle-ci est nulle, si elle ne produit pas au dehors toutes sortes de mortifications de la chair.

4- C'est pourquoi la peine dure aussi longtemps que dure la haine de soi-même, la vraie pénitence intérieure, c'est à dire jusqu'à l'entrée dans le royaume des cieux.

Dans ces lignes, Luther souligne que la haine de soi est la vraie pénitence intérieure, et que cette pénitence est insuffisante et inopérante sans divers mortifications de la chair (et inversement). Dans l'hypothèse d'une "foi comme activité volontaire" j'ai lu ces lignes comme des exhortations : Luther qui exhorte le fidèle à se haïr, Luther qui exhorte le fidèle à s'auto-flageller. Mais si on recoupe les thèses de Wittenberg avec Du serf arbitre, les propos luthériens prennent un autre sens : il ne nous exhorte plus à nous haïr nous-même, il nous fait comprendre que la foi (chose Sainte), placée en nous, se livre à une lutte acharnée contre ce qui est sale en nous, que la haine de soi en découle nécessairement. Et cette lutte est consubstantielle au chemin de la pénitence, au devenir-chrétien. Du moment qu'on devient chrétien, on est serf de la "guerre active" dans laquelle s'engage la foi contre ce qui est mal en nous ; guerre active de laquelle naissent haine de soi, mortification de la chair et acceptation paradoxale de soi.

Cette seconde lecture fait qu'on est serf de la foi qui impose son activité. Mais ici comme avant, elle reste active et ne disqualifie pas toutes les actions humaines.
« Certum est quia impossibile est. »

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Re: Le concept de foi

Messagepar Adam le 08 Jui 2007, 09:14

Comme je n'étais pas vraiment satisfait de ma première version, je l'ai intégralement remaniée (avec très peu de perte, juste au niveau du "mystère de la foi" que j'évoque sans nommer).

Message à l'égard de ceux qui pensent que le concept luthérien de justification par la foi seule disqualifie l'action humaine, contre ceux qui se disent en eux-mêmes que « s'il n'y a que la foi seule pour justifier aux yeux de Dieu, alors agir ne sert à rien : je vais croiser les bras, avoir la foi et attendre d'être sauvé ».
Cf. Réforme & Sola Fide.

*


« 1- En disant : Faites pénitence, notre Maître et Seigneur Jésus-Christ a voulu que la vie entière des fidèles fût une pénitence. 3- Toutefois elle ne signifie pas non plus la seule pénitence intérieure ; celle-ci est nulle, si elle ne produit pas au dehors toutes sortes de mortifications de la chair. 4- C'est pourquoi la peine dure aussi longtemps que dure la haine de soi-même, la vraie pénitence intérieure, c'est à dire jusqu'à l'entrée dans le royaume des cieux. »
LUTHER M. (1965), Les quatre-vingt-quinze thèses, La Pléiade.


On peut lire ces lignes soit comme des exhortations (voir même comme des injonctions), soit comme des préventions. Il faut comprendre les exhortations comme un Luther qui exhorte les fidèles à se haïr eux-mêmes, qui appelle les fidèles à mortifier leur chair, qui demande aux fidèles d'accepter d'être sauvés par Dieu en dépit du fait qu'ils soient haïssables : « haïssez-vous vous-même, auto-flagellez-vous, acceptez que l'Amour que Dieu vous porte soit plus grand que la haine que vous vous portez[...] » ; et il faut comprendre les préventions comme un Luther qui prévient les fidèles des conséquences de la foi : haine de soi, mortification de la chair : « quand vous accueillez la foi en vous-même, comme la rouille elle ronge ce qui est impur en vous, et vous vous haïssez vous-même pour être aussi impur et avoir tant à purifier, etc, etc. ».

Bref, d'un côté "je vous exhorte à le faire" / de l'autre "je vous préviens que c'est comme ça".

Dans la première lecture, qui fait l'hypothèse d'un Luther qui exhorte, la haine de soi et la mortification de la chair sont des actions volontaires. On est appelé à agir, comme si nous avions la liberté d'agir ou de ne pas agir, de se haïr ou de ne point se haïr. Dans ce cas, on peut se demander « à quoi bon se haïr, à quoi bon se mortifier, à quoi bon accepté d'être aimé de Dieu puisqu'il n'y a rien d'autre que la foi, et la foi seule, qui puisse me justifier aux yeux de Dieu, et que la haine de moi-même (ni rien d'autre) ne me justifiera pas ? ». La réponse semble assez évidente si on identifie la foi à la haine de soi et à la mortification de soi : la foi est la haine de soi, la foi est la mortification de sa chair, la foi est l'acceptation paradoxale de soi ... la foi est ces actions. C'est la raison pour laquelle ces actions sont opérantes et justifiantes. On pensera, avec Tillich, que la foi est active et consiste en partie à « [...]accepter d'être accepté en dépit du fait que l'on soit inacceptable ».
Quoi qu'il en soit, lire ces articles de Luther comme des exhortations nous amène sur le chemin de la foi comme actions volontaire : je peux me haïr ou ne pas me haïr, je peux accepter d'être accepté ou non, etc. bref, je peux agir en signant mes actions du sceau de la foi ou non, mais avoir la foi c'est agir.

Dans la seconde lecture, celle du Luther préventif, la haine de soi-même et l'auto-flagellation apparaissent comme des actions de la foi, dont on est serf. La foi, placée en nous, livre bataille contre ce qui est sale en nous, et par la suite, on se hait nécessairement soi-même pour être aussi impropre, et on mortifie sa chair dans l'optique nécessaire de se purifier pour que la foi grandisse. Dans la mesure ou cette lecture est recoupée avec Du Serf arbitre, elle est probablement plus fidèle que la première : non seulement, je souligne que « la foi est placée en nous » ce que Luther explique dans Du Serf arbitre, mais en plus elle part elle-même en guerre contre la partie pécheresse de nous-même, qui finissent par s'incliner devant la foi, comme les esclaves de la cour de Dieu.
On ne peut pas légitimement se poser la question que nous nous posions dans la première lecture, à savoir « à quoi bon se haïr, à quoi bon se mortifier puisqu'il n'y a rien d'autre que la foi, et la foi seule, qui puisse me justifier aux yeux de Dieu, et que la haine de moi-même ne me justifiera pas ? » dans la mesure ou l'on est serf de la haine de soi et de la mortification de sa chair. En revanche, à questionner la nature de ces actions, on en arrive encore à les identifier à la foi. Elles ne sont pas tellement conséquences de la foi que foi elle-même, dans la mesure ou elles servent pleinement notre pénitence et notre justification aux yeux de Dieu.
Bref, lire les articles luthériens comme des préventions nous amène sur le chemin de la foi comme actions serf (c'est-à-dire dont on est serf), ou la foi comme actions nécessaires : la foi délivre nécessairement sur des actions telles que la haine de moi-même, la mortification de ma chair, l'acceptation paradoxale de moi-même.

Dans la foi comme actions volontaires ou la foi comme actions serf, il n'y a pas de disqualification de toutes les actions humaines. La foi luthérienne n'est pas une chose passive, une espérance délavée, une attente « les bras croisés » ou encore une acceptation passive de soi-même. Il s'agit d'une acceptation active et de violences, non moins actives, envers les parties pécheresses de soi-même.
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